Extrait« J’ai connu le dernier sorcier de Greuville. C’était un brave homme, petit, râblé, bon vivant. Il était fils de berger. Il vivait sur une petite exploitation fort bien tenue et exerçait par ailleurs, le métier de hongreur (le hongreur était celui qui castrait les chevaux). Il était réputé pour son habileté à des lieues à la ronde. Il était aussi vétérinaire à l’occasion et quelque peu rebouteux. Je me suis laissé dire par un ancien du village qu’autrefois, il s’était livré à certaines pratiques de sorcellerie et à quelques forfanteries ; histoire, vieux malin, car il l’était de soutirer donc en nature ou espèces sonnantes à de bonnes gens trop crédules. Victime d’une entorse, une vieille l’appelle un jour. Il examine la cheville, la palpe, envoie la patiente au lit et lui avoue son embarras. ‘Votre état demande des soins, je vais revenir avec confrère plus qualifié, mais surtout il faut bien le recevoir, lui préparer un bon repas, ne pas le déranger pour rien’. Après un repos de quinze jours au lit, ayant reçu les deux rebouteux à sa table fort généreusement et payé leurs vacations d’un bon poulet bien dodu, la bonne femme remarchait et louait leurs services. Une autre fois, une brave femme elle aussi, l’appela à son secours. Elle était réveillée la nuit par des bruits singuliers et croyant sa maison hantée. ‘J’vas vous faire une prière’ dit notre homme. La vielle femme passa quelques nuits au calme, puis les bruits recommencèrent. Elle rappelé donc notre sorcier. ‘J’m’en doutais un peu, avoua-t-il, vous aviez pris une prière pas trop chère, cette fois j’m’en vas vous en débarrasser pour de bon’. La vieille fut plus généreuse et les bruits cessèrent de nouveau. Les trois jeunes gens qui dansaient dans son grenier pour lui faire peur la laissèrent alors tranquille. Une dernière histoire : la victime est encore une vieille personne qui vivait seule et se croyait persécutée par son voisin qui désirait récupérer le logement qu’elle occupait sous le même toit. Sans doute la visite du sorcier fut-elle remarquée de tout le village, le voisin estima plus prudent de cesser ses tracasseries. Voilà ce que nous savons de ces sorciers. »